MAI 2008 : INCERTITUDES DES SCIEURS FACE AUX MENACES ECONOMIQUES      Retour Accueil

 

Sommes-nous parvenus dans le domaine du sciage au sommet, avant le déclin, d’une activité économique portée par l’excellente santé du bâtiment depuis bientôt 4 ans. L’Observatoire du métier de la scierie s’interroge.

            Spectre de crise dans le secteur du sciage ?

            Dans le secteur du sciage, certains évoquent à mi-mot le spectre d’une crise, qui poindrait à l’horizon et qui ne serait pas sans rappeler celle de l’après 1973, présente dans encore beaucoup de mémoires !

            Serions-nous à la veille d’années difficiles qui feraient craindre le pire aux scieurs,  nombreux,  qui ont investi  portés par l’euphorie de la construction. Ces derniers  pourraient avoir du mal à honorer leur crédit dans les prochains mois. Dans une économie de marché où tous les secteurs sont dépendants les uns et des autres, il suffit qu’un maillon de la chaîne casse ou tout du moins se fragilise pour que l’ensemble vacille.

            Nous pouvons faire aujourd’hui ce constat avec les phénomènes combinés :

            - de la hausse des prix de la matière première (pénurie réelle ou spéculation abusive ?),                               - du malaise des banques  freinant l’octroi des prêts immobiliers[1], mais aussi les prêts à l’acquisition de biens d’équipement tant en direction des particuliers que des professionnels. Des organismes bancaires  font grimper leurs taux d’intérêts pour « éponger », même s’ils s’en défendent maladroitement, l’argent perdu aux USA dans le financement des crédits à taux variables. Nous connaissons la suite, crise du « subprime »[2], des milliers d’accédants à la propriétés, déjà très surendettés, incapables d’honorer leurs mensualités, chassés de chez eux rejoignent la frange paupérisée de la population américaine,

            - de la faible consommation des ménages, toujours à la recherche d’un pouvoir d’achat en berne, davantage préoccupés des prix croissants de l’alimentaire et de l’essence,

            - des menaces sur l’emploi et de la solvabilité des ménages qui n’encouragent guère les particuliers  à se lancer dans des projets d’investissement à long terme,

            - de  l’euro cher qui depuis des mois entraîne la glissade du billet vert,

            - des stocks de logements qui gonflent. Trop onéreux, ils ne trouvent pas d’acquéreurs faisant du même coup leurs premières victimes : agences immobilières et promoteurs[3].

            - de l’indicateur « mises en chantier » au premier trimestre, le chiffre[4] indique que les mises en chantier ont baissé de 10% entre janvier et mars à 92.110 unités, alors que les permis de construire ont chuté de 15,5% à 120.528 unités. Bien que sur les 12 derniers mois, le nombre de mises en chantier reste élevé et stable, à 426.184 unités, chiffre quasiment identique à celui relevé un an auparavant, les mises en chantier de logements individuels reculent fortement, -22,4%, à 34.344 unités. A l’inverse, le logement collectif a connu une progression de 7% donnant un total de 185.000 unités.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

           

 

 

 

            Quelles conséquences sur le secteur du sciage ?

            Avec la hausse du prix des matières premières et le fléchissement de l’activité du BTP, quelles seront les conséquences, après trois excellentes années où la barre des 400 000 mises en chantier a été allégrement franchie,  sur la menuiserie mais surtout la charpente, secteur absorbant les 2/3 des quelque 13 millions de m3 de sciages utilisés en France ? Le chiffre d’affaires[5] du secteur de la charpente a progressé en 2007 de 7% et devrait se confirmer en 2008 car, si le nombre de mises en chantier devait diminuer, les travaux de rénovation (encouragés toujours par la TVA à 5.5%) et la construction de maisons ossature bois[6],  plébiscitée par les maîtres d’œuvre devraient maintenir l’activité.

            Pour autant, le secteur du sciage subit-il déjà des contrecoups ? Sûrement puisque bon nombre de scieurs avouent  « jongler » depuis le début d’année entre des bois achetés au prix fort (+20% en moyenne) l’année dernière et des prix de vente connaissant la décrue. Après l’embellie devons-nous craindre en Europe, si le ralentissement du BTP se confirme, une surcapacité de production entraînant le bradage des prix des sciages, surtout en résineux, dans les prochains mois ? Très certainement étant donné les moyens de production dont disposent les scieurs français et scieurs de l’Europe du Nord et de l’Est.

 

            Arrêt de scieries canadiennes

            Dans le contexte international  du sciage, plusieurs groupes[7]  canadiens empêtrés dans « une crise forestière »[8] qui dure depuis 2005 ont arrêté leurs outils de production l’année dernière et cet hiver, face à l’atonie du marché américain[9] de la construction plus occupé à vendre les maisons saisies qu’à en construire de nouvelles. Cette situation devrait freiner les exportations de sciages européens vers les USA et les concentrer totalement sur l’Europe

            Au final, et pour revenir au contexte français qui n’a rien à voir pour l’instant avec celui outre-atlantique, nous constatons une situation de flottement générant crainte et  déception pour bon nombre de scieurs. Des scieurs  qui, il faut le rappeler, ont  ces dernières années beaucoup investi dans l’outil de production. Cela leur permettra-t-il, dans les prochains mois, d’être mieux compétitifs et surtout plus armés pour affronter une concurrence  exacerbée, si le renversement de tendance se confirme[10] ?

 

 

 


                 

 

 

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Espérons que le secteur du bâtiment français ne connaîtra pas les mêmes désillusions que son homologue espagnol où, après avoir dépassé le seuil des 500 000 mises en chantier annuelles pendant plusieurs années,  se trouve paralysé par un sur-stock de biens à vendre  et par la faillite des promoteurs qui ne trouvent plus d’acquéreurs,   étranglés par la crise économique.  



[1] Selon une étude réalisée par la direction des études économiques du crédit agricole, le prêt immobilier pourrait enregistrer une baisse de 8% en 2008 et et 6% en 2009. Source www.batiactu 

[2] Il s’agit de crédits immobiliers hypothécaires à taux variable et à paliers. La mensualité augmente en fonction d’une périodicité contractuelle et le montant des premières échéances est fixé de façon artificiellement basse car le prêteur escompte le remboursement du prêt sur la base d’une revente rapide et à plus-value du bien immobilier, bien plus que sur la capacité de l’emprunteur à faire face à son emprunt. Source : Banque Populaire

[3] Un scénario que connaissent les Espagnols très empêtrés, depuis le début d’année, dans une crise de l’immobilier, secteur qui a connu ces dernières années un essor sans précédent.

[4] Selon les chiffre publiés fin avril par le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (Meedaf)

[5] Chiffres publiés par le cabinet d’assurance-crédit Atradius. Source www.batiactu

[6] Dans le marché de la construction représentant plus de 400 000 logements, celui de la maison ossature bois, malgré une forte croissance de l’ordre de 50% depuis les années 2000, se stabilise entre 4 à 5%. Source Afcobois

[7] Selon une estimation du ministère des ressources naturelles du Québec « 56 usines, dont au moins huit dans le secteur des pâtes et papiers, ont fermé leurs portes de  façon permanente,  entraînant la disparition  de 4513 postes. La suspension temporaire, cet hiver, des activités frappe 87 scieries ou papeteries et compromet 5053 emplois » Source : www.cyberpresse.ca/article 

[8] La crise qui frappe l’industrie forestière québécoise, depuis plusieurs années,  a envoyé au chômage quelque 20 000 travailleurs de la récolte forestière, de l’industrie papetière et des scieries. Les origines sont à rechercher dans  la réduction des droits de coupe par la raréfaction de la ressource, dans les pressions écologiques et la situation économique. Selon Hugo Asselin, chercheur en écologie forestière à l’université du Québec, les causes réelles sont « les hausses des prix du pétrole, la vigueur du dollar canadien et les baisses des prix du bois d’œuvre et du papier journal. Quant au coût élevé de la fibre, on le doit à l’explosion des coûts de transport et de manutention attribués à des pratiques d’aménagement forestier inappropriées. En 30 ans, cela a multiplié par deux la distance entre la forêt et l’usine et réduit de moitié le volume moyen des arbres récoltés. » Source : www.greenpeace.org/canada/fr 

[9] Les dépenses d’investissement ont reculé de 2,5% en rythme annualisé, tandis que l’immobilier résidentiel s’est écroulé de 26,7% Source : Virginie Robert Les Echos 2-3 mai 2008

[10] De Siemens à Manitou, en passant par Renault, Trigano ou Michelin, les indicateurs de tendance annoncent un ralentissement de  la consommation en Europe. Patrick Artus, conjoncturiste de Natixis ne croit pas à un miracle après l’été « On aura au second trimestre 2008 et en 2009 un fort ralentissement de la croissance de la zone euro, puis le redressement sera tardif par rapport aux Etats-Unis » Source Les Echos 2-3 mai 2008