Plus de quarante professionnels, scieurs, propriétaires forestiers, exploitants, utilisateurs de sciages, fournisseurs de matériels, formateurs,
se sont rencontrés pour échanger autour du thème « comprendre et s’adapter aux besoins des utilisateurs de sciages ».
Après les débats du matin, l’après-midi a été consacré à la visite de Kit forêt : entreprise spécialisée dans le traitement du bois et
qui se lance
dans la construction de maisons ossature bois.
L’Observatoire de la scierie a mobilisé l’intérêt
d’une quarantaine d’acteurs de la filière bois venus de Vendée, du Tarn, des Vosges, du Jura. Cet
éparpillement géographique souligne l’importance du thème traité. Maurice Chalayer, président de
l’association, a fait remarquer dans son introduction que « s’arrêter et
réfléchir sur sa pratique professionnelle, c’est se donner du temps pour
préparer l’avenir et repérer surtout les tendances des marchés présents et ceux
à venir ». Il a fallu canaliser les passions car le sujet est
sensible : parler des importations répondant mieux aux besoins des utilisateurs
et avouer les faiblesses des sciages français en terme de siccité, qualité
intrinsèque, présentation et homogénéité des lots, respect du cahier des
charges ne peut se faire sans grincements de dents des professionnels de la
forêt et de la scierie.
Pour ouvrir le débat, les résultats de l’enquête réalisée
par l’Observatoire de la scierie au printemps dernier auprès d’un panel d’utilisateurs
(charpentiers, menuisiers, emballeurs, fabricants de chalets, de maisons à
ossature bois...) ont été rappelés. L’enquête fait ressortir que pour une
mobilisation de
Les chiffres officiels confirment que les sciages d’importation
« ont la cote » et qu’ils répondent aux attentes du marché en matière
de bois séché et normé. En effet, les données statistiques, FNB et LCB, montrent qu’aux 10 millions de m3
de sciages produits sur le territoire s’ajoutent 3,5 millions issus de
l’importation (80 % résineux du Nord et
Allemagne et 20 % d’essences exotiques)
pour fabriquer charpente industrielle (fermette), bois massif reconstitué
(BMR), maison ossature bois (MOB), menuiserie (huisserie, porte, fenêtre,
volet, bardage, lambris…), éléments de terrasse… L’écart qui se creuse d’année
en année devient préoccupant. C’est pour cette raison que l’Observatoire de la
scierie, dans ce forum, a donné la parole, sans esprit polémique, à des
utilisateurs de bois afin de connaître les raisons qui les poussent à porter leur choix sur les bois d’importation
et aux producteurs pour savoir comment ils s’adaptent aux nouvelles données du
marché.
Philippe
SELLIER, négociant PANOFRANCE, agence de Bourges (Cher):
« Nous écoulons environ 150 m3/mois
de bois de pays en charpente sur liste et standard. Les bois d’ossature liés
au concept BATIMOB, les bois de qualité menuiserie et les bois de structure
(duo, trio, poutre en I…) sont importés. Nous n’avons pas le choix. Au moment
où l’Europe harmonise l’utilisation des bois en usage structurel, conditionnée
par la connaissance de ses propriétés mécaniques (EUROCODE 5), on constate
que très peu de scieries françaises anticipent cette réglementation. La façon
de produire reste identique à celle
d’autrefois. Nos fournisseurs ont du mal à se remettre en question afin de
s’adapter à nos besoins qui sont :
-
le respect des normes de dimension et de classement
-
la réduction et l’harmonisation des sections et des qualités
-
du bois sec car tous les logiciels de calcul de dimensionnement sont
étalonnés à partir de bois sec
-
des produits stables répondant aux classements de structure (C40, C30,
C24, C18) afin d’être cohérents quand à la promotion du bois et la sécurité des
chantiers »
Fabrice
VACHERON, représentant EBS Emballage à Propières (Rhône):
« L’entreprise consomme 6 500 m3/an
en bois frais de sciage, chevrons et planches calibrées (sapin, épicéa,
douglas) de catégorie 3 ou 3A. La notion, la plus importante, est la résistance
mécanique à la flexion catégorie P1 et P2 ou Q1- Q2. Le flashe n’est pas admis
car cela pose des problèmes dans la chaîne de fabrication. Pour la même raison,
il faut des sciages réguliers et des
paquets homogènes.
99% de notre approvisionnement viennent de
France et 1% seulement en bois d’importation à titre d’expérimentation.
Nos fournisseurs sont industriels ou artisans et s’adaptent plutôt bien à notre
activité. Dans les grosses scieries, les sciages sont de qualité très
convenable. Les volumes sont assurés dans les délais rapides. Les sections standards sont adaptées à notre besoin. Par contre, les
longueurs sont souvent imposées (tous les
Jean Marc
GEOFFRAY, charpentier à Belmont-de-la-loire (Loire) :
« Nous passons en charpente sur une année
Serge RONZIER,
GI PRODUCTION, fabricant d’habitations légères de loisirs, Civrieux
d’Azergues (Rhône) :
« Nous fabriquons 1400 HLL par an. 35% du marché vont à l’export (Suisse,
Allemagne). Le bois résineux est à 60% d’importation et 40% en bois de pays.
Dans l’approvisionnement français et bien que l’on utilise toujours les mêmes
produits, on a du mal à trouver des sciages suivis. On trouve cela facilement
dans les panneaux mais le produit sciage reste encore quelque chose de rigide
et non uniformisé. On peut se fournir en
volume mais les produits ne sont pas adaptés aux sections et longueurs
souhaitées. A contrario, les bois d’importation sont plus adaptés en section,
longueur et siccité et le partenariat entre producteur et fournisseur est plus
aisé. »
Jean Pierre
GLATZ, DOMOBOIS INDUSTRIE, fabricant de maisons ossature bois, Noirétable (Loire) :
« Nous fabriquons par an 240 maisons
individuelles et de l’habitat social (OPAC). Nous utilisons
Bernard
CHALAYER, ESSARBOIS, négociant placage
et avivés feuillus, Le poiré-sur-vie (Vendée) :
« Notre entreprise, 12
salariés, est spécialisée dans le négoce du placage et des avivés feuillus.
Notre clientèle se trouve vers le meuble, secteur où l’on mesure une lente
dégradation, et la déco-agencement où, au contraire,
le marché est très vivace mais très exigeant. Nous utilisons des bois
américains (chêne, orme) mais de plus en plus des bois français. Aujourd’hui et
après une expérience de 25 ans dans le secteur, nous ne raisonnons plus en
volume. Nous sommes à une période charnière entre industrialisation et service.
Les cartes sont en train d’être redistribuées… En effet, nos clients attendent
trois choses : service, qualité et compétences. Plus on apporte du
service, plus on vend mieux. La valeur ajoutée est ici. Le conseil est notre
spécificité. Nous « vendons nos connaissances » et une expertise à
chaque fois différente selon les désirerata du
client. De ce fait, la proximité des
scieries françaises, avec qui nous construisons des partenariats, est un atout pour nous qui sommes
l’intermédiaire entre le producteur et l’utilisateur. Mais la scierie qui ne
possède pas de séchoir est écartée de nos marchés. »
Philippe
PONCIN : scierie éponyme, Treffort-cuisiat (Ain)
« A présent, les clients envoient de plus en
plus des commandes avec les normes structurelles (C24…) affichées. Nous sommes
une scierie moyenne de résineux qui vient d’investir dans un centre de reprise
LBL, charpente essentiellement sur-liste, nous savons
que la norme CE sera obligatoire à partir de 2007. Cela soulève beaucoup
d’interrogations : problème d’approvisionnement, choix, caractéristiques
des nœuds, délai, séchage… Sur ce dernier sujet, le séchage, comment en effet
sécher du sur-liste lorsqu’on attend la commande pour
produire et que l’on ne travaille jamais sur de la durée mais sur de la
réactivité ? »
Patrick
GALLIN : Sylvapes, Pont-de-Beauvoisin
(Isère) :
« Pour le marché du sciage de noyer, plots 18, 27,
34, 54, 64, 80, 120, les clients veulent un produit séché et prêt à l’emploi.
Le marché est à 80% sur l’export. Le noyer est dirigé vers le marché du
luxe : ébéniste, agenceur de magasin de luxe et de maison, menuiserie. Il
a fallu aller chercher les nouveaux marchés et élargir à tout prix notre champ
d’action en France et en Europe. »
Jérôme
VADOT : scierie éponyme, Branges
(Saône-et-loire) :
« Scierie artisanale, nous travaillons à 55%
pour les professionnels et à 45% pour les particuliers en vente directe. C’est
ce dernier marché que nous voyons le plus évoluer. La clientèle est saisonnière
et il faut la gérer en même temps que celle des professionnels. Ce qui n’est
pas sans ajouter une charge de travail et donc une amplitude horaire aux
dirigeants. Le particulier vient avec une idée et repart avec un projet et
surtout les produits qui lui permettront de « construire son rêve ».
Même s’il faut y passer du temps c’est une satisfaction de voir des projets qui
aboutissent et de recevoir des photos de la part du client. Conduire en
parallèle les deux marchés nous impose obligatoirement un travail en réseau,
soit pour faire un volume de sciage ou tailler de la charpente, avec des sous-
traitants scieurs et des charpentiers. »
Etienne LESCURE :
scierie mobile du haut Languedoc (Tarn) :
« J’ai créé mon marché. Il y a 15 ans, il n’y
avait pas de sciage mobile. Les clients sont propriétaires de bois. S’ils sont
agriculteurs les sciages servent à l’exploitation et s’ils sont particuliers
c’est le plus souvent pour un projet de construction et, s’ils sont artisans,
c’est pour constituer un stock. Les demandes de ce marché de niche sont
d’assurer une traçabilité de la matière, une maîtrise
de l’achat jusqu’au produit fini. Pour s’adapter au marché, il faut être
polyvalent et intéresser son client au produit bois. Il faut avoir aussi un
équipement bien adapté et fiable (pour faire une très bonne qualité de sciage),
travailler en partenariat avec d’autres scieurs mobiles et surtout conseiller
les clients (sylviculture, emploi du bois, traitement…). De cet ensemble,
dépendent notre crédibilité et surtout le plaisir de continuer à faire
correctement ce métier … »
Des
utilisateurs de bois très écoutés, de droite à gauche : J.Pierre GLATZ (DOMOBOIS INDUSTRIE), Serge RONZIER (GI
PRODUCTION), J.Marc GEOFFRAY (charpentier du haut-beaujolais), Philippe SELLIER Négociant PANOFRANCE.
Jean Paul
GIORGIS : scierie du Diois, Marignac-en-Diois
(Drôme) :
« Alors que d’autres confrères jouent dans le
championnat national des sciages, notre scierie de pays joue plutôt dans le
championnat local. Par obligation, nous nous adaptons aux besoins de la
clientèle : le traitement en 2005 et l’installation d’une raboteuse en
2006. C’est une nécessité d’écouter notre clientèle et l’élargissement de notre
gamme en découle au bout du compte. Un autre exemple de l’adaptation est
l’ouverture le samedi matin pour la vente directe aux particuliers.
Pierre
GALLERON : SGBois exploitant forestier, Chambost/Allière (Rhône) :
« Nous sommes exploitants forestiers et
négociant. 80% de l’activité est dans le résineux. 25% du volume sont exportés
vers l’Italie. Toute une gamme de produits existe pour répondre aux demandes
des scieries qui sont pour 35% d’entre elles artisanales et 65% industrielles.
Au départ, nous achetons en fonction des besoins de nos clients. Une grosse
demande existe dans le douglas, marché en expansion. Nos clients sont de plus
en plus exigeants en terme de qualité, de choix et surtout de délais. A cela,
se rajoute une forte tension au niveau de l’achat, tant au niveau des prix que
des volumes importants que viennent acheter des scieurs sortant de leur zone traditionnelle
d’approvisionnement (cas des scieurs belges, alsaciens et même autrichiens qui
viennent sur le grand Est et jusqu’en Rhône-Alpes). »
Claude
PERROY : Président du syndicat des propriétaires sylviculteurs du
Rhône :
« Votre problématique abordée
aujourd’hui est capitale. Il manque seulement pour l’écouter les 11 000
adhérents du syndicat et les 35 000 propriétaires que compte le Rhône.
Pour s’adapter au marché, notre forêt souffre de la diversité socio-professionnelle de ses propriétaires et du
morcellement de la ressource. Pas assez de propriétaires ont conscience et
connaissance des enjeux que vous venez
d’évoquer. On est encore dans une démarche « de coupe de bois selon le
besoin non d’un marché mais plutôt d’un besoin pécuniaire ». De fait, on
peut dire qu’il y a rétention de bois et que la sylviculture ne fonctionne pas
assez dans un système ouvert, du point de vue purement économique et
sylvicole. »
Il est revenu à Pierre Lambert, professeur d’économie,
animateur des tables rondes, de conclure les débats :
« Je retiens que pour beaucoup d’entre vous
c’est le service apporté qui donne la valeur ajoutée au matériau bois. Nous
constatons que la tendance est de s’affranchir de la contrainte volume par la
mise en avant de la notion de service qui, au bout du compte, sauvegarde la
marge. De plus, la volonté exprimée aujourd’hui dans ce forum : faire
parler des utilisateurs de bois (industriel et artisan) est très intéressante
et montre que s’écouter est une première étape dans la mise en équation d’une
demande et d’une offre. En marge de ces débats, nous avons vu que les
difficultés sont nombreuses : pression sur la gestion des stocks, adaptation aux normes, présence
de plus en plus forte des bois d’importation. Mais nous avons entendu aussi que
le travail en réseau existe et que de plus en plus de producteurs prennent
conscience qu’il faut travailler en partenariat avec les utilisateurs sous
peine d’être mis hors jeu. En conclusion, plus on vend du service et mieux on vend. Au final les
clients attendent trois choses : service, qualité et compétence ».
Forestiers, scieurs
et transformateurs découvrant
le concept maison
eau &soleil de KIT FORET
Les participants au forum, pour illustrer les
débats du matin, ont visité l’entreprise KIT FORET dirigée par Alain Dulac
depuis plus de quinze ans. Située à
Cublize, Rhône, cette entreprise au cœur du Beaujolais, 20 salariés,
spécialisée dans le traitement du bois (bois autoclavés
ou traités haute température) s’est peu à peu diversifiée vers la conception de
mobiliers et d’agencements extérieur. Depuis deux ans KIT FORET s’oriente vers
la maison ossature bois. Une maison ossature bois, maison eau & soleil,
axée vers une haute qualité environnementale très basse consommation d’énergie
et utilisant au maximum toutes les ressources locales : productions
forestières et artisanales.