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ETRE A L’ECOUTE DES UTILISATEURS :

UNE OBLIGATION POUR LES SCIEURS, LES EXPLOITANTS ET LES PROPRIETAIRES FORESTIERS

Trois années après sa création, l’Observatoire de la scierie a tenu le 18 novembre 2006  son forum annuel à Cublize dans le Rhône.

 

Plus de quarante professionnels, scieurs, propriétaires forestiers, exploitants, utilisateurs de sciages, fournisseurs de matériels, formateurs,

se sont rencontrés pour échanger autour du thème « comprendre et s’adapter aux besoins des utilisateurs de sciages ».

Après les débats du matin, l’après-midi a été consacré à la visite de Kit forêt : entreprise spécialisée dans le traitement du bois et

qui se lance dans la construction de maisons ossature bois.

 

 

L’Observatoire de la scierie a mobilisé l’intérêt d’une quarantaine d’acteurs de la filière bois venus  de Vendée, du Tarn, des Vosges, du Jura. Cet éparpillement géographique souligne l’importance du  thème traité. Maurice Chalayer, président de l’association, a fait remarquer dans son introduction que « s’arrêter et réfléchir sur sa pratique professionnelle, c’est se donner du temps pour préparer l’avenir et repérer surtout les tendances des marchés présents et ceux à venir ». Il a fallu canaliser les passions car le sujet est sensible : parler des importations  répondant mieux aux besoins des utilisateurs et avouer les faiblesses des sciages français en terme de siccité, qualité intrinsèque, présentation et homogénéité des lots, respect du cahier des charges ne peut se faire sans grincements de dents des professionnels de la forêt et de la scierie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Maurice Chalayer et Pierre Lambert les animateurs du forum

 

 

Pour ouvrir le débat, les résultats de l’enquête réalisée par l’Observatoire de la scierie au printemps dernier auprès d’un panel d’utilisateurs (charpentiers, menuisiers, emballeurs, fabricants de chalets, de maisons à ossature bois...) ont été rappelés. L’enquête fait ressortir que pour une mobilisation de 70 000 m3 de sciages, plus de 60 % du volume est du bois d’importation.

Les chiffres officiels  confirment que les sciages d’importation « ont la cote » et qu’ils répondent aux attentes du marché en matière de bois séché et normé. En effet, les données statistiques, FNB et LCB,  montrent qu’aux 10 millions de m3 de sciages produits sur le territoire s’ajoutent 3,5 millions issus de l’importation  (80 % résineux du Nord et Allemagne et  20 % d’essences exotiques) pour fabriquer charpente industrielle (fermette), bois massif reconstitué (BMR), maison ossature bois (MOB), menuiserie (huisserie, porte, fenêtre, volet, bardage, lambris…), éléments de terrasse… L’écart qui se creuse d’année en année devient préoccupant. C’est pour cette raison que l’Observatoire de la scierie, dans ce forum, a donné la parole, sans esprit polémique, à des utilisateurs de bois afin de connaître les raisons qui les poussent à  porter leur choix sur les bois d’importation et aux producteurs pour savoir comment ils s’adaptent aux nouvelles données du marché.

 

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1ère table ronde : utilisateurs de sciages :

« Les sciages français sont-ils adaptés à votre secteur d’activité ? Qu’attendez-vous d’un sciage pour votre activité ? »

 

Philippe SELLIER, négociant PANOFRANCE, agence de Bourges (Cher):

« Nous écoulons environ 150 m3/mois de bois de pays en charpente sur liste et standard. Les bois d’ossature liés au concept BATIMOB, les bois de qualité menuiserie et les bois de structure (duo, trio, poutre en I…) sont importés. Nous n’avons pas le choix. Au moment où l’Europe harmonise l’utilisation des bois en usage structurel, conditionnée par la connaissance de ses propriétés mécaniques (EUROCODE 5), on constate que très peu de scieries françaises anticipent cette réglementation. La façon de produire reste  identique à celle d’autrefois. Nos fournisseurs ont du mal à se remettre en question afin de s’adapter à nos besoins qui sont :

-          le respect des normes de dimension et de classement

-          la réduction et l’harmonisation des sections et des qualités

-          du bois sec car tous les logiciels de calcul de dimensionnement sont étalonnés à partir de bois sec

-          des produits stables répondant aux classements de structure (C40, C30, C24, C18) afin d’être cohérents quand à la promotion du bois et la sécurité des chantiers »

 

 

Fabrice VACHERON, représentant EBS Emballage à Propières (Rhône):

« L’entreprise consomme 6 500 m3/an en bois frais de sciage, chevrons et planches calibrées (sapin, épicéa, douglas) de catégorie 3 ou 3A. La notion, la plus importante, est la résistance mécanique à la flexion catégorie P1 et P2 ou Q1- Q2. Le flashe n’est pas admis car cela pose des problèmes dans la chaîne de fabrication. Pour la même raison, il faut des sciages réguliers  et des paquets   homogènes.

99% de notre approvisionnement viennent de France et 1% seulement en bois d’importation à titre d’expérimentation. Nos fournisseurs sont industriels ou artisans et s’adaptent plutôt bien à notre activité. Dans les grosses scieries, les sciages sont de qualité très convenable. Les volumes sont assurés dans les délais rapides. Les sections standards sont adaptées à notre besoin. Par contre, les longueurs sont souvent imposées (tous les 50 cm). Pour les petites scieries, il y a un meilleur respect des besoins en terme de longueur, section mais la qualité du sciage est plus aléatoire, ainsi que le respect du délai et du conditionnement. »

 

Jean Marc GEOFFRAY, charpentier à Belmont-de-la-loire (Loire) :

« Nous passons en charpente sur une année 300 m3 de douglas et 20 m3 de sapin-épicéa. 20 m3 sont passés en panne de châtaignier pour les terrasses et en bardage Red cedar. Le bois de pays est adapté grâce à la proximité des sites de transformation à la rapidité des scieries et à leur réactivité. Par contre, nous rencontrons des problèmes quant au triage, à la sélection des bois et surtout à sa siccité non adaptée aux utilisations. Jusqu’à présent le bois de pays l’emporte mais nous sommes de plus en plus sollicités pour employer des bois étrangers et notamment le BMR, bois massif reconstitué. »

 

Serge RONZIER, GI PRODUCTION, fabricant d’habitations légères de loisirs, Civrieux d’Azergues (Rhône) :

« Nous fabriquons 1400 HLL par an.  35% du marché vont à l’export (Suisse, Allemagne). Le bois résineux est à 60% d’importation et 40% en bois de pays. Dans l’approvisionnement français et bien que l’on utilise toujours les mêmes produits, on a du mal à trouver des sciages suivis. On trouve cela facilement dans les panneaux mais le produit sciage reste encore quelque chose de rigide et non uniformisé. On peut se fournir en  volume mais les produits ne sont pas adaptés aux sections et longueurs souhaitées. A contrario, les bois d’importation sont plus adaptés en section, longueur et siccité et le partenariat entre producteur et fournisseur est plus aisé. »

 

Jean Pierre GLATZ, DOMOBOIS INDUSTRIE, fabricant de maisons ossature bois, Noirétable (Loire) :

« Nous fabriquons par an 240 maisons individuelles et de l’habitat social (OPAC). Nous utilisons 5 000 m3 de sciages importés (bois d’ossature, chevrons de toit, liteaux, solivage, bardage, lames caillebotis…). Tout est en bois sec, raboté et traité en classe 2. A cela se rajoutent 1 500 m3 de lamellé collé (Allemagne-France). A noter que 45 000 m2 de bardage en douglas traité classe 3 (ou hors aubier) sont utilisés. Pour répondre à nos clients et faire face à notre activité, nous utilisons des produits calibrés, séchés, rabotés, « triés classés » et traités. Nous avons besoin de volumes précis dans des délais de livraison raisonnables, 4 semaines environ. L’importance du suivi qualité (régularité du produit) et le respect des délais annoncés sont primordiaux. En conclusion, nous utilisons peu de bois français et souhaitons que cela puisse changer. Cela passera sans doute par une réorganisation de la filière bois et une réponse donnée au séchage du bois.... A titre d’exemple, lorsque nous travaillons avec les scieurs allemands, ces derniers ont un agent commercial qui répercute les commandes sur  les sites de production en nous donnant des délais précis de 3 à 4 semaines.

 

Bernard CHALAYER, ESSARBOIS,  négociant placage et avivés feuillus, Le poiré-sur-vie (Vendée) :

« Notre entreprise, 12 salariés, est spécialisée dans le négoce du placage et des avivés feuillus. Notre clientèle se trouve vers le meuble, secteur où l’on mesure une lente dégradation, et la déco-agencement où, au contraire, le marché est très vivace mais très exigeant. Nous utilisons des bois américains (chêne, orme) mais de plus en plus des bois français. Aujourd’hui et après une expérience de 25 ans dans le secteur, nous ne raisonnons plus en volume. Nous sommes à une période charnière entre industrialisation et service. Les cartes sont en train d’être redistribuées… En effet, nos clients attendent trois choses : service, qualité et compétences. Plus on apporte du service, plus on vend mieux. La valeur ajoutée est ici. Le conseil est notre spécificité. Nous « vendons nos connaissances » et une expertise à chaque fois différente selon les désirerata du client.  De ce fait, la proximité des scieries françaises, avec qui nous construisons des partenariats,  est un atout pour nous qui sommes l’intermédiaire entre le producteur et l’utilisateur. Mais la scierie qui ne possède pas de séchoir est écartée de nos marchés. »

 

 

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2ème table ronde : transformateurs, mobilisateur et propriétaire :

« Comment vous adaptez-vous aux demandes du marché ? »

 

Philippe PONCIN : scierie éponyme, Treffort-cuisiat (Ain)

« A présent, les clients envoient de plus en plus des commandes avec les normes structurelles (C24…) affichées. Nous sommes une scierie moyenne de résineux qui vient d’investir dans un centre de reprise LBL, charpente essentiellement sur-liste, nous savons que la norme CE sera obligatoire à partir de 2007. Cela soulève beaucoup d’interrogations : problème d’approvisionnement, choix, caractéristiques des nœuds, délai, séchage… Sur ce dernier sujet, le séchage, comment en effet sécher du sur-liste lorsqu’on attend la commande pour produire et que l’on ne travaille jamais sur de la durée mais sur de la réactivité ? »

 

Patrick GALLIN : Sylvapes, Pont-de-Beauvoisin (Isère) :

« Pour le marché du sciage de noyer, plots 18, 27, 34, 54, 64, 80, 120, les clients veulent un produit séché et prêt à l’emploi. Le marché est à 80% sur l’export. Le noyer est dirigé vers le marché du luxe : ébéniste, agenceur de magasin de luxe et de maison, menuiserie. Il a fallu aller chercher les nouveaux marchés et élargir à tout prix notre champ d’action en France et en Europe. »

 

Jérôme VADOT : scierie éponyme, Branges (Saône-et-loire) : 

« Scierie artisanale, nous travaillons à 55% pour les professionnels et à 45% pour les particuliers en vente directe. C’est ce dernier marché que nous voyons le plus évoluer. La clientèle est saisonnière et il faut la gérer en même temps que celle des professionnels. Ce qui n’est pas sans ajouter une charge de travail et donc une amplitude horaire aux dirigeants. Le particulier vient avec une idée et repart avec un projet et surtout les produits qui lui permettront de « construire son rêve ». Même s’il faut y passer du temps c’est une satisfaction de voir des projets qui aboutissent et de recevoir des photos de la part du client. Conduire en parallèle les deux marchés nous impose obligatoirement un travail en réseau, soit pour faire un volume de sciage ou tailler de la charpente, avec des sous- traitants scieurs et des charpentiers. »

 

Etienne LESCURE : scierie mobile du haut Languedoc (Tarn) :

« J’ai créé mon marché. Il y a 15 ans, il n’y avait pas de sciage mobile. Les clients sont propriétaires de bois. S’ils sont agriculteurs les sciages servent à l’exploitation et s’ils sont particuliers c’est le plus souvent pour un projet de construction et, s’ils sont artisans, c’est pour constituer un stock. Les demandes de ce marché de niche sont d’assurer une traçabilité de la matière, une maîtrise de l’achat jusqu’au produit fini. Pour s’adapter au marché, il faut être polyvalent et intéresser son client au produit bois. Il faut avoir aussi un équipement bien adapté et fiable (pour faire une très bonne qualité de sciage), travailler en partenariat avec d’autres scieurs mobiles et surtout conseiller les clients (sylviculture, emploi du bois, traitement…). De cet ensemble, dépendent notre crédibilité et surtout le plaisir de continuer à faire correctement ce métier … »

 

 

Des utilisateurs de bois très écoutés, de droite à gauche : J.Pierre GLATZ (DOMOBOIS INDUSTRIE), Serge RONZIER (GI PRODUCTION), J.Marc GEOFFRAY (charpentier du haut-beaujolais), Philippe SELLIER Négociant PANOFRANCE.

 

Jean Paul GIORGIS : scierie du Diois, Marignac-en-Diois (Drôme) :

« Alors que d’autres confrères jouent dans le championnat national des sciages, notre scierie de pays joue plutôt dans le championnat local. Par obligation, nous nous adaptons aux besoins de la clientèle : le traitement en 2005 et l’installation d’une raboteuse en 2006. C’est une nécessité d’écouter notre clientèle et l’élargissement de notre gamme en découle au bout du compte. Un autre exemple de l’adaptation est l’ouverture le samedi matin pour la vente directe aux particuliers.

 

Pierre GALLERON : SGBois exploitant forestier, Chambost/Allière (Rhône) :

« Nous sommes exploitants forestiers et négociant. 80% de l’activité est dans le résineux. 25% du volume sont exportés vers l’Italie. Toute une gamme de produits existe pour répondre aux demandes des scieries qui sont pour 35% d’entre elles artisanales et 65% industrielles. Au départ, nous achetons en fonction des besoins de nos clients. Une grosse demande existe dans le douglas, marché en expansion. Nos clients sont de plus en plus exigeants en terme de qualité, de choix et surtout de délais. A cela, se rajoute une forte tension au niveau de l’achat, tant au niveau des prix que des volumes importants que viennent acheter des scieurs  sortant de leur zone traditionnelle d’approvisionnement (cas des scieurs belges, alsaciens et même autrichiens qui viennent sur le grand Est et jusqu’en Rhône-Alpes). »

 

Claude PERROY : Président du syndicat des propriétaires sylviculteurs du Rhône :

« Votre problématique abordée aujourd’hui est capitale. Il manque seulement pour l’écouter les 11 000 adhérents du syndicat et les 35 000 propriétaires que compte le Rhône. Pour s’adapter au marché, notre forêt souffre de la diversité socio-professionnelle de ses propriétaires et du morcellement de la ressource. Pas assez de propriétaires ont conscience et connaissance des enjeux  que vous venez d’évoquer. On est encore dans une démarche « de coupe de bois selon le besoin non d’un marché mais plutôt d’un besoin pécuniaire ». De fait, on peut dire qu’il y a rétention de bois et que la sylviculture ne fonctionne pas assez dans un système ouvert, du point de vue purement économique et sylvicole. »

 

Des scieurs et leurs partenaires très attentifs aux exposés

 

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CONCLUSION :

 

Il est revenu à Pierre Lambert, professeur d’économie, animateur des tables rondes, de conclure les débats :

« Je retiens que pour beaucoup d’entre vous c’est le service apporté qui donne la valeur ajoutée au matériau bois. Nous constatons que la tendance est de s’affranchir de la contrainte volume par la mise en avant de la notion de service qui, au bout du compte, sauvegarde la marge. De plus, la volonté exprimée aujourd’hui dans ce forum : faire parler des utilisateurs de bois (industriel et artisan) est très intéressante et montre que s’écouter est une première étape dans la mise en équation d’une demande et d’une offre. En marge de ces débats, nous avons vu que les difficultés sont nombreuses : pression sur la gestion  des stocks, adaptation aux normes, présence de plus en plus forte des bois d’importation. Mais nous avons entendu aussi que le travail en réseau existe et que de plus en plus de producteurs prennent conscience qu’il faut travailler en partenariat avec les utilisateurs sous peine d’être mis hors jeu. En conclusion,  plus on vend  du service et mieux on vend. Au final les clients attendent trois choses : service, qualité et compétence ».

 

 

Forestiers, scieurs et transformateurs découvrant

      le concept maison eau &soleil de KIT FORET

 

Les participants au forum, pour illustrer les débats du matin, ont visité l’entreprise KIT FORET dirigée par Alain Dulac depuis plus de quinze ans.  Située à Cublize, Rhône, cette entreprise au cœur du Beaujolais, 20 salariés, spécialisée dans le traitement du bois (bois autoclavés ou traités haute température) s’est peu à peu diversifiée vers la conception de mobiliers et d’agencements extérieur. Depuis deux ans KIT FORET s’oriente vers la maison ossature bois. Une maison ossature bois, maison eau & soleil, axée vers une haute qualité environnementale très basse consommation d’énergie et utilisant au maximum toutes les ressources locales : productions forestières et artisanales.

 

 

 

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